sentinelles du monde

chère lectrice, cher lecteur,

pfff, les semaines de septembre passent à toute allure je trouve ! Mais comme je les aime, ces semaines du début de l’automne, la lumière devient douce, parfois c’est encore presque l’été, parfois, on sent nettement qu’on va vers l’hiver, j’adore ce va-et-vient qui est comme un concentré de vie ! Bon, ce jeudi, j’ai envie de vous parler des Sentinelles, les connaissez-vous ? - depuis qu’un de me fils m’en a parlé, eh bien je suis un peu secouée et je repense souvent à eux.

Les Sentinelles sont tout simplement la seule & dernière tribu non contactée au monde ! Vous imaginez cela ! Je ne savais même pas qu’il y avait encore des humains qui n’aient jamais eu de contact avec le monde moderne ! Enfin… si, quelques contacts, mais de loin et toujours hostiles puisqu’ils ont l’habitude d’accueillir leurs rares visiteurs avec des salves de flèches, si bien que le contact ne va jamais très loin, se soldant toujours soit par la fuite soit par la mort.

Mais ils savent qu’on existe. Une ou deux fois, on a tenté de leur présenter des offrandes (jouets en plastique, fruits, porcelet vivant), c’est comme cela qu’on a amadoué puis anéanti pas mal de peuples premiers - eux, les ont toujours refusées, détruites, enterrées. Ils voient aussi régulièrement passer des navires à l’horizon ou bien des avions qui survolent leur île. Mais que pensent-ils donc de tout ce remue-ménage, eux qui ont gardé leur mode de vie de chasseur-cueilleurs-pêcheur et n’ont reçu aucune influence extérieure. Nous prennent-ils pour des fous? Pour des dieux ou des démons?

En tout cas, ce qui est sûr, c’est que cette poignée d’humains (quelques centaines tout au plus) n’est pas trop inspirée par notre modernité et qu’ils préfèrent rester tranquilles sur leur île tropicale où ils vivent leur vie “sauvage” depuis au moins 50 000 ans ! Déjà Marco Polo, qui serait passé près de leurs côtes lors de son périple, les décrit comme des “chasseurs de tête”. Personne ne les a jamais approchés, on ne sait rien d’eux. On ne connaît pas leur langue, on ne connait pas leurs croyances, ni leur vision du monde. Rien. C’est fascinant non ?

Il faut dire que se rendre sur l’île de North Sentinel est quasiment impossible. C’est une île isolée de l’archipel d’Andaman, lui même perdu au beau milieu de l’océan Indien. L’accès en est strictement interdit, l’île est très bien gardée par la police indienne qui a même renforcé sa surveillance depuis 2018 quand un jeune missionnaire américain qui s’était donné pour mission d’évangéliser l’île (dernier bastion de Satan à ses yeux) a été tué avant même d’avoir mis un pied à terre, le pauvre. La première flèche s’était plantée pile dans sa Bible aquaproof, une des suivantes a été pour lui !

Les Sentinelles sont la dernière tribu connue démographiquement intacte, cela veut dire également que tout contact avec le monde extérieur peut être mortel pour eux, ils n’ont aucune immunité face aux virus exogènes qui risqueraient de les décimer en moins de deux. Suite à l’assassinat du missionnaire américain, l’Inde, poussée & soutenue par un groupement de scientifiques internationaux, a déclaré vouloir à tout prix faire respecter le droit des Sentinelles de rester libres de tout contact avec le monde extérieur.

Moi je trouve que ces Sentinelles sont comme un trésor, une dernière mémoire intouchée de notre humanité. Et souvent, quand notre monde me fatigue, quand je suis saturée d’images & d’information, quand l’absurdité de notre civilisation occidentale m’étrangle, alors je pense à eux. Alors qu’on ne me mécomprenne pas, hein, je n’ai aucune envie de redevenir chasseur-cueilleur. Mais quand même, de savoir qu’il existe quelque part un groupe d’hommes qui résiste farouchement à toute domestication, eh bien je trouve que c’est comme une respiration. Ça fait du bien de penser à eux. Et je leur souhaite de préserver longtemps leur sauvagerie & leur liberté. J’aime bien l’idée qu’à leur manière, ils veillent sur nous.

Voilà pour aujourd'hui, je vous souhaite une belle semaine - et dites-moi si vous aussi, maintenant, vous pensez parfois à ces sentinelles du monde.
Laura

ps: photographie de Raghubir Singh pour le National Geographic

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