les oies sauvages
chère lectrice, cher lecteur,
Est-ce que chez vous aussi, chaque automne, vous regardez les oies sauvages passer au-dessus de chez vous ? J’adore cette période qui marque vraiment la fin de l’été. J’adore les entendre cacarder, comme un signal immuable de la saison qui passe. Alors vite, sortir de la maison, lever la tête et les regarder partir vers le Sud, les saluer. C’est mon premier rituel d’automne, et dans ce rituel d’automne, il y a mille choses: il y a le respect devant l’immuabilité des lois de la nature, il y a les premières joies du solstice qui s’annonce et il y a aussi la certitude du printemps tout au loin, quand les oies seront de retour.
Mais cette année a été un peu différente. À plusieurs reprise, j’ai été alertée par des cris d’oiseaux un peu étranges - ça ressemblait aux oies, mais ce n’était pas tout à fait le cri habituel, vaillant et plein d’entrain. Je levais alors la tête en quête du V habituel, mais je ne le trouvais pas. Et en cherchant, je finissais par découvrir un groupe d’oiseaux, mes chères oies sauvages, mais pas dans leur formation habituelle. Elles étaient visiblement perdues, elles criaillaient bizarrement, affolées et voletaient dans tous les sens, avançant péniblement: elles essayaient de former leur V, celui qu’elles forment de tout éternité, mais elles n’y arrivaient pas, ce qui entravait énormément leur vol et visiblement, les irritait.
J’ai vu cinq de ces écheveaux chaotiques. Et chaque fois, ça m’a glacé le sang. Je ne sais pas quelle est la raison de ce désordre. Je ne sais pas ce qui perturbe ces grands oiseaux migrateurs. Mais en tout cas, ça m’a fait penser à nous, les humains. Oui, j’ai vu alors dans le ciel une image de notre humanité, comme un oracle antique. Notre humanité qui a perdu le Nord, qui erre de-ci de-là. Qui tente mais n’arrive pas. Qui n’arrive plus à s’unir pour avancer. Qui a oublié les gestes anciens, ceux qui portaient les jours et la vie. Qui a délaissé les sagesses ancestrales, celles qui nous faisaient vivre avec la nature et le cosmos.
Et en même temps, j’ai vu aussi qu’il ne manquait pas grand chose pour que les oies reprennent leur vol, que les choses reprennent leur cours. Ce qui manque, c’est juste que chacun retrouve sa place. C’est fou quand même : à l’heure où plus personne ne se déplace sans son GPS, on a réussit à perdre le Nord ! Et si la solution était là ? Si justement, on s’était trop laissés guider de l’extérieur ? Si il suffisait de récupérer chacun notre petite boussole intérieure, de nous recentrer un à un pour arriver ensuite à refaire société ? Comment faire société quand chacun individuellement a perdu le Nord ?
Voilà, voilà, je vous laisse avec ces réflexions. Dites-moi ce que ça vous inspire. Je vous souhaite une belle dernière semaine de novembre. Ah ! et je crois que la semaine prochaine, la newsletter reviendra au jeudi, en fait, je me sentais mieux le jeudi.