HPE, HPI, et patata & patati

Chère lectrice, cher lecteur,

Une fois n’est pas coutume, la newsletter d’aujourd’hui est une newsletter un peu énervée – j’espère que vous ne m’en voudrez pas. Mais pour commencer, je voudrais vous parler d’une petite mercerie de la rue Saint Maur où j’aimais bien aller quand j’habitais dans le 11ième à Paris (il y a une petite éternité). En vérité, j’y allais surtout pour la mercière et pour sa gouaille toute parisienne. Un jour, elle m’a expliqué que les gens étaient devenus bien lisses et uniformes alors que dans sa jeunesse les personnalités étaient beaucoup plus marquées, aussi les corps, les visages, les voix, tout. Elle le déplorait, parlait d’ennuie.

Ces derniers temps, je repense souvent à elle. Surtout depuis qu’on voit partout s’afficher cette nouvelle catégorie de gens : les “HPE” et les “HPI”, autrement dit les personnes à « haut potentiel émotionnel » ou à « haut potentiel intellectuel ». C’est peu dire qu’ils fleurissent ! Il semble de bon ton d’aller se faire « tester » pour vérifier si on est bien « atypique ». Saviez-vous qu’on peut même être THPE (« très haut etc… ») ou THPI (« très haut etc… »). Là, vraiment c’est le grâle. Attention tout de même de ne pas confondre le HPE/THPE avec son acronyme homonyme, à savoir le haut potentiel énergétique ou le très haut etc… sinon, on ne comprend plus rien !

Face à ce fleurissement donc, je repense à ma petite mercière et j’ai envie de dire « stop ». Et même trois fois « stop, stop, stop » ! Alors déjà, ce qui me gêne quand on parle de personnes « atypiques », c’est que cela présuppose l’existence d’une norme humaine qui serait en gros une sorte d’encéphalogramme plat avec une intelligence très limitée et des émotions au ras des pâquerettes – ça ce serait l’humain alpha et à partir de là, on pourrait vous tester pour savoir en gros, si vous dépassez un peu/beaucoup du cadre ou pas. Non mais c’est fou c’est idée-là, non ? Et puis surtout, qui détermine les critères de la norme et de l’hors-norme ? Qui est assez au-dessus du lot pour cela ?

Alors bien sûr, on le sait depuis toujours qu’il y a des personnalités hors du commun, des gens plus conformistes et d’autres plus exceptionnels. Mais de là à mettre tout cela en catégories… je trouve que c’est tellement présomptueux et réducteur à la fois ! Et je remarque aussi qu’une fois « testés », les heureux élus aiment à se regrouper entre eux. Les HPE entre HPE, les HPI aussi. Il y a également, on aurait pu s’en douter, une sorte de hiérarchie qui s’établit avec au summum bien sûr les THPE & les THPI (voir plus haut pour la signification si vous vous êtes perdu en route). En fait, moi, j’ai la fâcheuse impression que face à la normalisation de tout, on n’agit pas sur le fond (essayer de se reconnecter à notre essence d’être humain par exemple) mais seulement sur la forme : on crée une nouvelle catégorie “hors-norme” (qui regroupe quand même environ 30% de la population, d’après les chiffres) et le tours est joué, ça rassure tout le monde !

Et puis ce qui me chagrine aussi dans tout ça, c’est la démarche en elle-même : aller voir un « spécialiste » plus ou moins autoproclamé qui va nous tester pour établir si… c’est curieux tout de même d’avoir un tel besoin de validation extérieure et une telle confiance dans l’expert ! Et puis c’est aussi donner beaucoup de pouvoir sur nous à une personne extérieure. L’histoire ne dit pas d’ailleurs, ce que peuvent bien ressentir les personnes qui ont fait la démarche de se faire tester, qui reçoivent leurs résultats et constatent que ben non, ils sont pas exceptionnels, juste terriblement normaux, banals, ça doit piquer un peu tout de même.

Moi je dis : arrêtons donc de chercher la validation, la bonne note, cultivons notre être, prenons le temps nécessaire pour nous connaître. Et soyons souverains, arrêtons de nous mettre volontairement en boîte et de nous coller des étiquettes sur le front. Chacune, chacun de nous est unique et non quantifiable et c’est justement cela qui est merveilleux. Vous savez ce qui m’attire moi chez les gens, c’est le HPH : le haut potentiel humain et ça, ben ça échappe à toutes les étiquettes & classifications ! Mais vous voyez, je m’emporte en écrivant cela, je vous avais prévenues. Alors pour terminer, j’ai juste envie de dire : soyons nous-même, soyons humains ! Cultivons nos êtres dans leur singularité et soyons fiers de nous ! Le potentiel humain est une chose inestimable qu’il est dangereux de vouloir maîtriser.

Belle semaine et prenez soin de vous !

Laura

* j’aurais pu mettre une photo de moi, mais je trouve Popote plus expressif. Ça c’est quand j’ai essayé de lui expliquer ce que ça veut dire HPE, HPI, et patata & patati…

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